La petite fleur

Créée en 1965 parréunies quelques coopératives alors dans Sodima (à l’origine aussi du lait Candia), Yoplait doit un peu de son audience actuelle au hasard des circonstances. Sollicitée par une laiterie suisse, en 1969, pour un développement, Sodima propose un contrat de franchise. Une solution vite généralisée. Les coopératives de Sodima, elle autorise une expansion internationale quasiment sans limites, avec peu de fonds propres. C’est ce choix qui permet aujourd’hui à Yoplait d’afficher un volume sous marque de près 1 million de tonnes ou d’être, avec son partenaire, General Mills, le numéro 2 avec 24 % du marché américain, derrière Danone.

Le patron de Yoplait, un ancien de General Foods et de Bongrain, formé aux Etats-Unis, aligne 49 implantations contre, selon lui 37 pour son rival Danone et 20 pour Nestlé. Danone réalise plus de 23 milliards de francs avec sa branche produits frais. Les ventes de la marque Yoplait, son challenger français, euro-péen et mondial, n’attei-gnent, elles, qu’un peu plus de 9 milliards de francs, dont 5,5 milliards hors franchise et 3,6 milliards en France.

Pour mondialiser la marque, la recette reste la même : la franchise. Pour le reste, le mot d’ordre a changé. Pour preuve : en février, l’acquisition pour 660 millions de francs du britannique Raines (80 000 tonnes, quatre usines, 1,1 milliard de francs de chiffre d’affaires) via le jointventure Yoplait Dairy Crest, détenu à 51 % par le français. Raines lui donne une base industrielle outreManche et ouvre le secteur des marques distributeurs qui pèse 50 % du marché et pour lequel travaille exclusivement cette société.

A quelques exceptions prêtes (Irlande...) Yoplait SA est désormais directement associée au développement de sa marque. Seul point noir, l’Allemagne. Le premier marché mondial (3,2 millions de tonnes) reste pour l’instant impénétrable (à la différence de Nestlé et de Danone), faute de partenaires germaniques. Ce n’est pas le cas pour l’Europe du Nord. En janvier Yoplait y a annoncé la transformation en jointventure de sa franchise avec le finlandais Valio pour les marchés suédois, finlandais et des pays baltes. L’an dernier, la filiale du groupe coopératif Sodiaal (qui détient également Candia et Riches Monts) achetait aussi une laiterie en Pologne et se séparait de ses derniers franchisés en Espagne pour y reprendre l’exploitation en propre dans son usine près de Madrid.

Derrière cette volonté d’expansion, une explication : longtemps - pour des raisons logistiques, notamment -, les marchés de l’ultrafrais sont restés cloisonnés, mais ce n’est plus le cas. L’allemand Müller a conquis le leadership outreManche à partir de ses usines allemandes avant d’y construire une usine géante.

Les usines françaises de Yoplait livrent les supermarchés anglais ou italiens, tout comme Senoble alimente à partir de la Bourgogne les hypermarchés espagnols Pryca (Carrefour). Si Yoplait investit désormais directement dans le marché européen (l’opération Raines lui coûtera 340 millions de francs), c’est aussi parce que ses marges se sont restaurées. Certes, selon l’étude « Groupes laitiers européens » du cabinet Sofra, sa marge d’exploitation n’a atteint, en 1996, que 3,5 % (9 % pour Danone Produits frais). Mais ce résultat aurait nettement progressé en 1997, et surtout est sans comparaison avec les pertes de 1993 et de 1994.

Dans une période où, sous la pression concurrentielle, les prix industriels plongent, l’éparpillement de sites industriels (douze en tout) fait alors plonger les marges. Depuis, à l’image de Danone, Yoplait a complètement réorganisé son outil industriel. Il ne conserve que cinq usines pour produire 400 000 tonnes, dont un quart sous distributeurs. marques

Pourtant, sur le marché français, la filiale de Sodiaal ne cesse de gagner des points et a vu ses volumes bondir de 8 % en 1997. Désormais , elle dépasse l’ex-numéro 2 du marché Nestlé (Chambourcy). En pleine hésitation quant à sa stratégie, celui-ci se recentre de plus en plus sur son point fort, les desserts, en abandonnant peu à peu les marchés de volume - comme les yaourts aromatisés, auxquels il vient de renoncer.

La position actuelle de Yoplait, elle la doit à l’innovation en égrenant les lancements de produits « inédits », des Zap aux Tub’s (produits à sucer) en passant par Menu Minceur (substitut de repas, au rayon frais) ou La Bombe (crème dessert et biscuit). Des innovations qui ne génèrent souvent que de petits volumes, au regard des autres segments « poids lourds » - comme les yaourts aux fruits (345 000 tonnes) ou les fromages frais (510 000 tonnes) -, mais sont considérés comme un élément essentiel de reconstitution des marges et de la pérennité des contrats avec ses partenaires.

Quant à savoir le prix que Yoplait fait payer pour ses services, c’est le black-out ! Toujours discrète sur sa rentabilité, la société l’est plus encore sur ce secret, aussi jalousement gardé que la formule du Coca-Cola : le mode de calcul et le montant des royalties qu’elle touche de ses franchisés.