Les corps gras

Les stérols végétaux : l’ester de sitostanol

C’est bien connu ! Manger trop gras est un facteur de risque pour développer une maladie cardiovasculaire. Aussi, les industriels de l’agroalimentaire ont décidé de jouer la carte « santé ». Exemple, la margarine Benecol, lancée il y a deux ans en Finlande par la société Raisio. Le produit incorpore 9 % d’ester de sitostanol. Une molécule, issue de l’industrie de la pâte à papier, qui réduit de 10 % environ le taux de cholestérol dans le sang. C’est ce qu’a montré une étude publiée en 1995 dans le « New England Journal of Medicine ».

La molécule « miracle » est un dérivé des stérols végétaux. Depuis les années 50, on connaît l’effet de ces composés sur le taux de cholestérol. Les stérols végétaux ont une formule chimique qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celle du cholestérol, propre au règne animal. D’où la compétition qui se crée dans l’organisme entre les deux molécules.

Chez Raisio, on affirme ainsi que, avec Benecol, seulement 20 % du cholestérol est absorbé dans le sang, contre 50 % normalement. Son passage dans le sang est bloqué par la molécule végétale, qui, elle, est éliminée directement par les selles. En hydrogénant et en estérifiant la molécule de stérol, Raisio est parvenu à rendre la molécule beaucoup plus efficace et liposoluble.

En Finlande, la margarine anticholestérol a suscité l’engouement, bien qu’elle soit sept fois plus chère que les produits classiques (110 francs le kilo !). D’ici l’année prochaine, le continent nord-américain devrait en bénéficier. Raisio a en effet conclu récemment un accord de licence avec McNeil Consumer Products (du groupe Johnson & Johnson).

Le lancement de Benecol semble avoir fait boule de neige. Le suisse Novartis a en effet annoncé un accord exclusif avec la société canadienne de biotechnologie Forbes Medi-Tech, qui a développé le FCP, ou Phytrol. Ce mélange de stérols pourra être incorporé dans des margarines, des crèmes glacées, des yaourts, des mayonnaises ou des assaisonnements de salade.

Unilever, le groupe anglonéerlandais, le plus gros producteur mondial de margarine, travaille également sur sa propre molécule anticholestérol - extraite, cette fois-ci, d’huiles végétales. Des produits nouveaux pourraient être lancés en 1999, sous réserve de l’accord du comité Novel Foods de la Communauté européenne.

Les acides gras polyinsaturés : les oméga 3

Autre piste explorée depuis quelques années par les industriels : les produits enrichis en oméga 3. L’histoire de cette famille d’acides gras polyinsaturés commence avec les Esquimaux. Une étude, menée sur l’incidence des maladies cardiovasculaires sur ces populations de l’Extrême Nord, a montré qu’elles sont dix fois moins fréquentes chez ceux du Groenland que chez ceux ayant émigré. La différence réside dans l’alimentation, les « Groenlandais » se nourrissant de poissons riches en oméga 3, notamment les EPA et les DHA.

Les gélules d’oméga 3 ou les aliments enrichis suscitent depuis longtemps l’engouement des Américains et des Japonais. Mais ces produits arrivent également depuis un ou deux ans en France. Il s’agit en particulier de la margarine Primevère (développée par la société Cema, en collaboration avec l’Institut Pasteur de Lille), du pain de mie Jacquet, mais aussi des œufs Matines. L’enrichissement de ces derniers en oméga 3 se fait de manière indirecte. Ceuxci résultent en fait de l’alimentation, enrichie en huiles de poisson, des poules pondeuses. D’où le travail de Matines avec Sanders. Par ce biais, la quantité d’oméga 3 totaux est passée de 150 à 225-250 mg pour 100 g d’œufs.

L’assimilation de l’acide alpha linolénique, tête de file des oméga 3, étant différente selon les poules, l’élément principal peut aussi bien être l’EPA que le DHA. Quant aux autres produits directement enrichis en oméga 3 (pain, margarine), il a fallu faire attention au problème de l’odeur et du goût du poisson. Comment ? C’ est un secret...

Nutrasweet Kelco a décidé de « shunter » le poisson dans la fabrication des oméga 3. Cette filiale du groupe Monsanto les produit par fermentation de microalgues. Mais ces pro- duits ne sont pas encore autorisés en Europe pour l’alimentation humaine...

La chasse aux acides gras « trans »

Mais les modes passent vites : évolution technique ou raison commerciale ?. Au dernier salon Dietecom, on annonçait que sur toutes les études épidémiologiques entreprises sur les oméga 3, certaines étaient discordantes. Les acides gras polyinsaturés ainsi que les oméga 3 de poissons ne seraient pas forcément bénéfiques. De fait, les acides gras polyinsaturés peuvent s’oxyder facilement, et la proportion conseillée (parmi tous les acides gras) est ainsi passée au cours du temps de 33 à 20 %.

Quoi qu’il en soit, les margarines et les huiles ont misé, ces dernières années, sur le bon équilibre entre les différents acides gras. Comme la margarine Equilibre d’Astra-Calvé, qui contient pratiquement autant d’acides gras monoinsaturés que de polyinsaturés. Ou l’huile Isio 4 de Lesieur, qui optimise les propriétés de quatre huiles.

Autre tendance, celle de la baisse des acides gras « trans » par rapport aux acides gras « cis ». Un peu comme les acides gras saturés, ils présenteraient la fâcheuse tendance d’augmenter le taux de mauvais cholestérol et de faire baisser le bon. C’est la raison pour laquelle les margarines Primevère ou Fruit d’or (Astra-Calvé) garantissent désormais un taux inférieur à 1 % en acides gras « trans ».

La société Lu (Danone) s’est également attachée depuis deux ans à les réduire dans ses biscuits. Les acides gras « trans » ne représentent plus que 5 % de l’ensemble des acides gras utilisés. Soit la même quantité que celle apportée naturellement par le lait ou la viande de bœuf, par exemple.

L’effort de réduction a porté sur les acides gras, non naturels issus de procédés de fabrication. Certaines huiles alimentaires industrielles peuvent renfermer jusqu’à 60 % d’acides gras « trans ». Ces acides gras sont formés lorsqu’on hydrogène partiellement des huiles fluides pour les rendre plus consistantes. Les huiles non hydrogénées, donc plus liquides semblent être meilleures nutritionnellement.