Quatre stratégies pour passer de la théorie à la pratique

Pour vivre plus longtemps et en bonne santé, quatre stratégies au moins s’offrent à nous. Elles peuvent se résumer en préceptes : Se reproduire le plus tard possible - Contenir l’Insuline - Manger moins - Prendre des antioxydants

Se reproduire le plus tard possible

Du point de vue des gènes, la reproduction sexuelle du véhicule que nous sommes est un événement crucial. Tant que nous sommes jeunes et que notre ADN n’est pas trop endommagé par notre environnement (il existe des moyens de le réparer si le véhicule est entretenu régulièrement), la reproduction sexuelle permet une dissémination large et rapide du matériau génétique. La nature pousse les animaux à parvenir à maturité sexuelle le plus tôt possible, afin de se reproduire précocement et massivement. Si la théorie dit vrai, les manipulations destinées à retarder la sexualité et/ou limiter la progéniture devraient se traduire par un allongement de la vie.

En 1984, Michael Rose (université de Californie, Irvine) a montré qu’il en allait ainsi chez la drosophile. Adultes en 11 jours, les mouches enfilent les générations à un rythme idéal pour constater des variations. Cette étude a montré (en sélectionnant au sein d’une population de mouches les seuls œufs pondus après que les femelles ont atteints l’âge de 70 jours, puis les mouches femelles issues de ces œufs sont à leur tour soumises au même traitement, de génération en génération) que le bilan était phénoménal. Après 25 générations, l’espérance de vie avait doublé, passant de 40 à 80 jours. Plus surprenant, rien n’indique qu’une limite serait atteinte en poursuivant ces manipulations !

Cette stratégie paraît difficilement applicable à l’homme. Quoique... En s’appuyant sur 1 200 ans d’archives généalogiques de l’aristocratie britannique, Tom Kirkwood (université de Manchester) a publié dans Nature en décembre 1998 une étude qui montre que les femmes qui ont vécu le plus longtemps sont celles qui ont eu leurs enfants le plus tard !

Contenir l’insuline

Hormone clé du métabolisme, c’est-à-dire de l’utilisation de l’énergie alimentaire, l’insuline joue aussi un rôle accélérateur du vieillissement quand elle est produite en trop grande quantité. Chez la souris, la consommation quotidienne de 20 % des calories sous la forme de glucose diminue l’espérance de vie de 10 %. Une bonne stratégie d’encadrement de l’insuline consiste donc à limiter au quotidien, et ce dès l’enfance, les aliments qui la font « flamber » : sucres pris en dehors des repas, pain blanc, pommes de terre, céréales de types corn flakes...

Améliorer la sensibilité des cellules à l’insuline doit également être bénéfique, puisque le pancréas en produira moins pour un effet identique. Les substances qui améliorent cette sensibilité sont connues : chrome, vanadium, acide gras à longues chaînes de la série oméga 3. Chez le rongeur, la supplémentation en vitamine E augmente l’espérance de vie de 5 %, celle du chrome, de 36 % !

Manger moins

Roy Walford (université de Californie, Los Angeles) avec l’expérience Biosphère 2, de 1991 à 1993 (huit adultes en bonne santé ont vécu isolés de l’extérieur, avec un nombre de calories limité), a démontré qu’en deux ans, une chute de 30 % du taux de cholestérol total et de 45 % de celui des triglycérides étaient réalisables. Selon lui, une personne qui, à l’âge de 20 ans, réduirait de 20 % sa consommation de calories pourrait atteindre 140 ans. Chez le rat, un tel régime provoqué au milieu de la vie, prolonge la longévité maximale de 10 à 20 % et prévient l’apparition du cancer.

Force est de constater que l’humanité (surtout dans les pays développés) n’a pas attendu pour faire sa révolution de la restriction calorique à grande échelle ! Le Dr Jean-Paul Curtay (Paris) a constaté que nous consommons pratiquement deux fois moins de calories qu’il y a cent ans. Voilà probablement pourquoi nous avons gagné 30 ans de longévité supplémentaire en un siècle !

Prendre des antioxydants

Pour survivre à l’ubiquitaire effet « bienfait / méfait » de l’oxygène d’après Barry Halliwell (King’s College, Londres), les organismes vivants dépendant de cette substance ont été contraints de développer ou de rechercher dans leur alimentation, des moyens de défense qui protègent leurs constituants cellulaires de son effet « toxique ». Les plantes synthétisent des caroténoïdes pour ne pas finir grillées au soleil, de la vitamine E pour protéger leurs graisses des radicaux libres, de la vitamine C pour protéger les autres compartiments biologiques. Nous utilisons ces molécules de l’alimentation dans le même objectif. Mais, peut-on espérer une protection supplémentaire (ralentissement du vieillissement), par la prise de compléments antioxydants ? Denham Harman (université du Nebraska), auquel on doit la théorie du vieillissement par les radicaux libres, a voulu vérifier cette hypothèse chez l’animal. En 1968, il a réussi à faire passer la durée de vie moyenne de souris mâles de 24,5 à 31,6 mois en rajoutant un antioxydant (2-mercaptoéthanol) à leur nourriture. Il estime que, chez l’homme, la prise quotidienne d’antioxydants devrait augmenter de 10 à 15 ans l’espérance de vie, en diminuant le risque de mourir de maladies comme le cancer. Des résultats récents le conforte dans cette idée : un supplément quotidien de sélénium pendant quatre ans et demi réduit le risque de cancer de la prostate de 63 % et de 50 % pour tout autre type de cancer.