Régulation du bilan potassique
Environ 50 à 150 mmol de K+ sont absorbées chaque jour (quantité minimale nécessaire : 25 mmol). 90 % de cette quantité étant excrétés par l'urine et 10% par les fèces. La concentration plasmatique en K+ est de 3,4 à 5,2 mmol/l, alors que dans les cellules de l'organisme la concentration « efficace » en potassium est 20 à 30 fois supérieure ; en d'autres termes, 98 à 99 % des 4500 mmol d'ions K+ de l'organisme se trouvent dans les cellules (3 000 mmol dans les cellules musculaires, 200 mmol environ dans les cellules hépatiques et les érythrocytes, etc.). Bien que la fraction extracellulaire ne représente que 1 à 2 %, elle n'en est pas moins importante car elle règle l'ensemble du bilan potassique.
La concentration extracellulaire en K+ peut être régulée de façon brutale par un déplacement des ions K+ entre le liquide extracellulaire (LEC) et le liquide intracellulaire (LIC). Ce phénomène relativement rapide empêche ou freine par exemple une augmentation dangereuse du nombre des ions K+ dans le LEC lorsque d'importantes quantités d'ions K+ sont apportées de l'extérieur (alimentation) ou libérées dans l'organisme (par exemple par hémolyse). Ce déplacement des ions K+ a une régulation principalement hormonale. Une augmentation brutale du potassium dans le LEC conduit ainsi à une sécrétion d'insuline qui stimule par la suite l'absorption des ions K+ et abaisse ainsi à nouveau la concentration potassique dans le LEC. L'épinéphrine, l'aldostérone et une alcalose stimulent aussi l'absorption cellulaire du potassium.
La régulation de fond du bilan potassique dans l'organisme est principalement assurée par le rein (cf. ci-dessous) mais aussi, pour une part plus faible, par le côlon. L'excrétion du potassium est surtout influencée par la concentration en ions K+ et H+ du LEC, par l'aldostérone et par l'excrétion du sodium. En cas d'augmentation chronique de l'apport en potassium, la capacité du mécanisme excréteur du potassium augmente (adaptation potassique). Même dans le cas d'une fonction rénale très réduite, l'appareil tubulaire restant encore fonctionnel assure par cette adaptation l'équilibre du bilan potassique.
Le potassium est filtré au niveau du glomérule rénal et est normalement à nouveau réabsorbé en grande partie (réabsorption nette) ; mais la quantité excrétée peut, le cas échéant, dépasser la quantité filtrée (sécrétion nette).
70% de la quantité de potassium filtrée sont réabsorbés le long du tube proximal, indépendamment de l'apport en potassium. Ce transport s'effectue probablement contre un faible gradient électrochimique. Les ions K+ doivent de ce fait être excrétés activement de la lumière tabulaire mais, tout comme pour la réabsorption du Na+, la majeure partie des ions K+ quitte passivement le tube proximal.
10 à 20% environ de la quantité de potassium filtrée quittent le liquide tubulaire au niveau de l'anse de Henle (la sécrétion dans la branche descendante est plus faible que la réabsorption dans le segment ascendant), de sorte que 10% seulement de la quantité filtrée apparaissent dans le tube distal.
En cas de surcharge en potassium, la quantité excrétée dans l'urine augmente (dans les cas extrêmes, jusqu'à 150% de la quantité filtrée) et, en cas de déficit en potassium, l'excrétion urinaire du potassium diminue (au minimum 3% environ de la quantité filtrée). Cette adaptation suivant les besoins s'effectue presque exclusivement par une forte augmentation ou par une diminution de la libération d'ions K+, dans la portion terminale du tube distal et dans les parties initiales du tube collecteur ; le potassium peut en outre être à nouveau (activement) réabsorbé à ce niveau.
Les mécanismes cellulaires du transport du potassium dans le tube distal et dans la partie initiale du tube collecteur ne sont pas encore parfaitement connus. Le potassium venant aussi bien de la lumière tubulaire que du sang, est probablement transporté activement vers l'intérieur de la cellule (dans ce dernier cas, par un échange contre des ions Na+). Il en résulte une concentration potassique intracellulaire très élevée, celle-ci constituant la force motrice essentielle du flux passif de potassium s'échappant de la cellule. C'est la raison pour laquelle les variations de l'absorption active de potassium et de la perméabilité passive de la membrane cellulaire luminale aux ions K+ influencent la sécrétion du potassium par le biais du potentiel cellulaire et de la concentration intracellulaire des ions K+.
Il y a deux types de cellules dans cette zone tubulaire : les cellules principales, qui sécrètent K+, et les cellules intermédiaires, qui, on le pense, sont responsables de la réabsorption active du K+ durant les déficiences en K+ (et de la sécrétion de H+ dans ce segment du tubule).
Mécanisme de la sécrétion du K+ par les cellules principales
Comme avec toutes les autres cellules tubulaires, la Na+-K+-ATPase de la membrane des cellules basolatérales diminue la concentration intracellulaire en Na+ et augmente dans le même temps celle du K+. K+ peut quitter la cellule au moyen des canaux K+ des deux côtés de la cellule, où le gradient électrochimique membranaire détermine la diffusion du K+. De plus sur la membrane cellulaire luminale des cellules principales, il y a des canaux Na+ (qui peuvent être inhibés par les diurétiques tels que l'amiloride) à travers lesquels le Na+ peut diffuser de la lumière jusque dans la cellule. Cette entrée est de nature électrogénique, si bien que la membrane luminale est dépolarisée à environ 30 mV (+ du côté luminal) alors que la membrane basolatérale garde son potentiel de repos normal, soit approx. 70 mV (extérieur +). Il en résulte une force motrice plus importante pour la sortie de K+ du côté de la lumière par rapport à l'autre côté de la cellule, celle-ci favorise la sortie de K+ dans la direction de la lumière tubulaire : il y a sécrétion.
Le potentiel membranaire des cellules principales étant différent des deux côtés de la cellule, il en résulte un potentiel transépithélial luminal négatif d'environ 40 mV. Parmi d'autres moyens, il peut être une force motrice pour la réabsorption paracellulaire du Cl-, mais il n'est pas encore certain que ce mécanisme soit le principal ou même le seul moyen de passage pour la réabsorption du Cl- dans cette portion du néphron.
Les cellules intermédiaires n'ont pas de canaux Na+ du côté luminal, et la conductivité au K+ est diminuée si bien qu'il n'y a presque pas de K+ sécrété à ce niveau. La réabsorption active de K+ s'effectue au niveau des cellules au moyen de la H+-K+-ATPase présente dans leur membrane luminale.
Plus la réabsorption de Na+ est importante au niveau des cellules principales, plus la sécrétion de K+ est élevée. Il y a deux raisons probables à ce mécanisme de couplage de transport Na+-K+ dans le tubule distal et dans le tube collecteur cortical : a) l'augmentation de la dépolarisation luminale au fur et à mesure que le Na+ est réabsorbé et b) l'augmentation de la concentration en Na+ à l'intérieur de la cellule.
Ceci ralentit les échanges Na+/Ca2+ au niveau de la membrane cellulaire basolatérale, avec en conséquence une augmentation de la concentration intracellulaire en Ca2+ qui est à l'origine de l'ouverture des canaux K+ du côté luminal de la cellule.
Facteurs modifiant l'excrétion du K+
- Une augmentation de l'apport en K+ provoque une élévation de la concentration plasmatique et cellulaire en K+, qui en retour augmente la force motrice essentielle pour la sécrétion de K+.
- pH sanguin. L'alcalose augmente et l'acidose diminue la concentration potassique intracellulaire et en conséquence l'excrétion de K+ ; toutefois dans l'acidose chronique l'excrétion de K+ continue de croître. Ce phénomène a pour origine a) une augmentation du flux urinaire distal l'hyperkaliémie qui provoque une libération d'aldostérone.
- S'il y a une augmentation de l'apport en liquide
dans le tubule distal, consécutive par ex. à une
augmentation de l'apport en NaCl, de la diurèse
osmotique, ou à toute autre forme d'inhibition du
courant de réabsorption de Na+, le potassium excrété
augmente (voir par ex. perte de K+ lors de
l'administration de certains duirétiques).
L'explication probable est que l'excrétion de K+ est limitée par une concentration luminale en K+ donnée. Ceci signifie que le passage d'un plus grand volume par unité de temps peut entraîner avec lui plus de K+ par unité de temps. - L'aldostérone (voir aussi ci-dessous) augmente l'incorporation, la formation et/ou les mécanismes d'entrée au moyen des canaux Na+ et K+ au niveau de la membrane luminale, ce qui aboutit directement ou indirectement (dépolarisation) à une augmentation de la sécrétion de K+ (et une réabsorption de Na+). L'aldostérone accroît l'activité de la Na+-K+-ATPase et aboutit à plus longue échéance, par ex. dans le cas d'une adaptation potassique (voir ci-dessus), à des changements morphologiques importants des cellules cibles. (Toutefois l'excrétion de K+ reste élevée en cas d'administration chronique d'aldostérone. alors que la réabsorption du Na+, pour des raisons inconnues. augmente à nouveau au bout de 2 semaines : phénomène de « fuite » = escape phenomenon).