Synthese des hormones - La bioconversion

Les corticostéroïdes sont des substances médicamenteuses utilisées dans le traitement du cancer et des maladies inflammatoires. En moins de dix ans, le groupe pharmaceutique HMR France, ex-Roussel-Uclaf, aura réalisé un saut technologique majeur. Il sera passé de la synthèse chimique classique de ces corticostéroïdes (en 8 étapes) à celle de la bioconversion (c’est-à-dire 1 seule étape grâce à un micro-organisme génétiquement modifié qui se charge de la délicate synthèse de ces molécules complexes).

Au début des années 90, la fabrication de certains stéroïdes comme l’hydrocortisone, exige encore une vingtaine d’étapes successives. Roussel-Uclaf, qui vient d’acheter un procédé de bioconversion utilisant des microorganismes au néerlandais GistBrocadès, décide alors de l’adapter à la fabrication d’un intermédiaire de ces stéroïdes à partir de stérols contenus dans le soja. C’est déjà un immense progrès, en s’affranchissant d’une matière première dont la collecte est difficile (la bile de bovin), et surtout en diminuant le nombre d’étapes nécessaire à la synthèse (8 étapes). Tout cela avec pour résultat, une augmentation spectaculaire du rendement de fabrication et une réduction des coûts. Il subsiste cependant encore quelques opérations de chimie pure. La nouvelle filière a été mise au point en collaboration avec le centre de génétique moléculaire du CNRS, à Gif-sur-Yvette, et la société transgène, à Strasbourg, avec laquelle HMR avait déjà un long partenariat. Le groupe pharmaceutique a dépensé plus de 60 millions de francs sur six ans et a bénéficié d’une aide des Pouvoirs Publics d’un montant de 12 millions de francs pour les 3 premières années dans le cadre du programme « Sauts technologiques ».

La matière première est désormais non plus un phytostérol, mais du sucre et de l’alcool provenant, par exemple, de la betterave ou du maïs.

Quant au micro-organisme « transformateur » - la levure de boulanger (Saccharomyces cerevisae) - , il est très bien connu : son génome est entièrement décrypté depuis deux ans. Il peut accepter un très grand nombre de gènes hétérologues. En l’occurrence, c’est près d’une dizaine de gènes étrangers, provenant de plantes, d’animaux et de l’homme, qui seront introduits parmi les 6 000 gènes de la levure, chacun d’eux étant chargé de contrôler une étape de la synthèse.

A partir du sucre, la levure sait faire naturellement un stérol, l’ergostérol qu’elle utilise pour ses propres besoins. En détruisant un certain nombres de ses gènes, on détourne ce métabolisme vers la production et l’accumulation d’un stérol intermédiaire (l’ergosta 5,7-diénol) dont la structure est plus proche de celle du cholestérol humain. L’introduction d’un gène d’une plante (l’Arabidopsis thaliana) codant pour une enzyme spécifique permet, dans une étape suivante, d’obtenir un stérol encore plus voisin du cholestérol. Enfin, grâce à l’intervention de deux autres gènes, l’un provenant du bœuf et l’autre de l’homme, ce stérol est transformé successivement en prégnélonone, puis en progestérone.

L’équipe de Gif-sur-Yvette, en collaboration avec Transgène, travaille actuellement à la dernière étape du process, qui, grâce à l’introduction de trois ou quatre gènes humains, permettra à la levure de transformer la progestérone en hydrocortisone, comme cela se passe dans l’organisme humain.

Sur le plan industriel, toutes ces transformations s’effectueront dans un fermenteur. Comme le produit final est excrété par la levure, il suffit de l’extraire du milieu de culture et de le purifier. Globalement, le prix de revient du produit devrait être réduit de 30 %, grâce, notamment, à l’amélioration des rendements.

Mais, avant d’en arriver là, il reste à ajuster le « montage » génétique de la levure de façon qu’elle contrôle au mieux l’enchaînement des opérations unitaires qu’elle doit effectuer. Puis à transposer le procédé du stade laboratoire au stade industriel et à « rehomologuer » le produit, comme chaque fois que l’on change un procédé de fabrication en pharmacie. Une affaire d’au moins cinq ans !